La liberté religieuse au travail confronte la liberté individuelle du salarié sur son lieu de travail, le bon fonctionnement de l'entreprise et le principe français de laïcité. Propos religieux, port de signes ou de vêtements liés aux croyances religieuses ... quels sont vos droits et obligations en entreprise ?
Sommaire
- La liberté religieuse reconnue pour le salarié
- Liberté religieuse et obligations contractuelles
- Le port de signes ou de vêtements liés aux croyances religieuses
La liberté religieuse est une liberté fondamentale. L'article 10 de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 énonce le principe selon lequel "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi".
Selon une délibération de la Halde relative aux règles fixées par la loi et la jurisprudence pour l'expression religieuse dans l'entreprise du 6 avril 2009, la liberté de religion et de convictions s'applique dans l'entreprise privée dans les limites que constituent l'abus du droit d'expression, le prosélytisme ou les actes de pression à l'égard d'autres salariés.
La liberté religieuse reconnue pour le salarié
Elle s'applique au sein de l'entreprise.
La doctrine considère que "sûr qu'il est de ne pouvoir être sanctionné pour sa foi ou sa croyance, le salarié est néanmoins tenu, au sein de l'entreprise, à une certaine réserve. S'il n'est pas condamné au silence, s'il peut se faire reconnaître, autour de lui, pour ce qu'il est, encore faut-il que ses propos et son comportement ne causent pas un trouble. Responsable du climat de l'entreprise, l'employeur veille à éviter toute tension dans les rapports des salariés entre eux, et des salariés avec l'encadrement" et les clients (1).
Tout d'abord, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses convictions religieuses (2).
L'employeur est donc tenu de respecter les convictions religieuses de ses salariés et ces derniers sont libres d'exprimer cette liberté qui est fondamentale dans la mesure où ils accomplissent les tâches qui leur sont demandées dans le cadre du poste pour lequel ils ont été embauchés.
Les dispositions relatives au règlement intérieur font également référence à cette liberté. En effet, le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions discriminant les salariés dans leur emploi ou leur travail, à capacité professionnelle égale, en raison de leurs convictions religieuses (3).
Par exemple, les dispositions d'un règlement intérieur prévoyant que sont interdites les discussions politiques ou religieuses excèdent, eu égard à l'atteinte qu'elles portent aux droits de la personne, l'étendue des sujétions que l'employeur peut édicter en vue d'assurer le bon ordre et la discipline dans l'entreprise (4).
Liberté religieuse et obligations contractuelles
L'employeur n'est pas tenu d'adapter les tâches du salarié à ses croyances religieuses.
En effet, s'il est exact que l'employeur est tenu de respecter les convictions religieuses de son salarié, celles-ci, sauf clause expresse, n'entrent pas dans le cadre du contrat de travail et l'employeur ne commet aucune faute en demandant au salarié d'exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché, dès l'instant que celle-ci n'est pas contraire à une disposition d'ordre public (5).
Selon la loi, "Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" (6). L'employeur ne peut donc porter atteinte à la liberté religieuse du salarié qu'à la condition que les restrictions soient justifiées par le travail à accomplir et proportionnées aux exigences requises (par exemple : mesures d'hygiène et de sécurité).
Ainsi, le Code du travail permet à l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, d'apporter des restrictions aux libertés individuelles et collectives au sein de l'entreprise si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
Le port de signes ou de vêtements liés aux croyances religieuses
Au nom des libertés religieuses et vestimentaires, l'employeur est tenu, en principe, de respecter le port de signes ou vêtements liés aux croyances religieuses.
Toutefois, lorsque cela crée un trouble ou prend une place trop importante sur l'exécution du contrat de travail ces libertés peuvent faire l'objet de restrictions.
Par exemple, le règlement intérieur d'une association de garde d'enfants qui prévoit que "le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités développées (...), tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche", prévoit une restriction à la liberté de manifester sa religion qui ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l'association et proportionnée au but recherché (7). Il est donc possible de restreindre la liberté religieuse si tant est que cette restriction soit proportionnée au but recherché.
Le port d'un signe ou vêtement religieux incompatible avec celui d'un équipement de protection individuelle peut également être interdit par l'employeur en raison de son obligation de sécurité.
Des impératifs de santé ou d'hygiène sanitaire peuvent également amener l'employeur à imposer le port de tenues spécifiques pouvant ne pas être compatibles avec le maintien de signes religieux ou politiques (8).
Références :
(1) "Traité de droit français des religions" sous la direction de Francis Messner, Pierre-Henri Prélot et Jean-Marie Woehring
(2) Article L1132-1 du Code du travail
(3) Article L1321-3 du Code du travail
(4) CE 25 janvier 1989, n°64296
(5) Cass. Soc. 24 mars 1998, n°95-44738
(6) Article L1121-1 du Code du travail
(7) Cass. Ass. Plen. 25 mars 2014, n°13-28369
(8) Article 9-2 de la CEDH